L'Imitation de Jésus-Christ

Traduction de Lamennais
Réflexion de Lamennais - Livre 4, Chapitre 8

On n'aurait qu'une idée bien faible et bien incomplète du sacrifice de la Croix, si l'on n'y voyait que ce qui paraît, pour ainsi dire, aux sens. Jésus-Christ a offert non seulement son corps sacré, en proie à toutes les souffrances et toutes les angoisses que peut endurer la nature humaine, mais encore son âme sainte étroitement unie au Verbe divin, toutes ses douleurs, toutes ses affections, toutes ses volontés, et l'agonie et le délaissement qui tira de son coeur ce dernier cri: Mon Père, pourquoi m'avez-vous abandonné ? En cet état, il représentait l'humanité entière condamnée à mourir; et l'homme, en effet, fut frappé de mort jusque dans les plus secrètes profondeurs de son être. Alors, tout fut consommé, et le supplice et la rédemption.

Or, chaque fois que le prêtre, montant à l'autel, y renouvelle, selon l'institution divine, cet ineffable sacrifice; chaque fois que le fidèle participe à la victime immolée, et le fidèle, et le prêtre doivent s'offrir ainsi que Jésus-Christ s'est offert lui-même; leur sacrifice uni au sien doit être comme le sien, sans réserve; car, nous aussi, nous sommes attachés à la Croix, et avec Jésus-Christ et en Jésus-Christ, nous souffrons pour nous, pour nos frères, pour les vivants, pour les morts, pour toute la grande famille humaine: ce qui fait dire à l'apôtre saint Paul ces étonnantes paroles: Je me réjouis de mes souffrances à cause de vous: et ce qui manque à la Passion de Jésus-Christ, je l'accomplis en ma chair, pour son corps, qui est l'Eglise: non sans doute que la Passion du Sauveur ne fût plus que surabondante pour ôter le péché du monde, et satisfaire à la justice de Dieu, mais parce que chacun de nous doit la reproduire en soi, et parce que, étant les membres d'un seul corps qui est le corps du Christ, tout ce que nous souffrons, il le souffre avec nous, de sorte que nos souffrances deviennent comme une partie de sa Passion propre.

O Jésus ! je m'offre avec vous, je m'offre tout entier; me voilà sur l'autel: frappez, Seigneur, achevez le sacrifice: détruisez tout ce qui en moi est de l'homme condamné, ces désirs de la terre, ces affections, ces volontés, ces sens qui me troublent, ce corps de péché, et, les yeux fixés sur votre Croix, je dirai: Tout est consommé !