45. Qu'il ne faut pas croire tout le monde, et qu'il est difficile de garder une sage mesure dans ses paroles
Le fidèle: Secourez-moi, Seigneur, dans la tribulation: car le salut ne vient pas de l'homme.
Combien de fois ai-je en vain cherché la fidélité où je croyais la trouver ? combien de fois l'ai-je trouvée où je l'attendais le moins ?
Vanité donc d'espérer dans les hommes; mais vous êtes, mon Dieu, le salut des justes.
Soyez béni, Seigneur, en tout ce qui nous arrive. Nous sommes faibles et changeants, un rien nous séduit et nous ébranle.
Quel est l'homme si vigilant et si réservé, qu'il ne tombe jamais dans aucune surprise, ni dans aucune perplexité ?
Mais celui, mon Dieu, qui se confie en vous et qui vous cherche dans la simplicité de son coeur, ne chancelle pas si aisément.
Et s'il éprouve quelque affliction, s'il est engagé en quelque embarras, vous l'en tirerez bientôt ou vous le consolerez, car vous n'abandonnez pas pour toujours celui qui espère en vous.
Quoi de plus rare qu'un ami fidèle, qui ne s'éloigne point quand l'infortune accable son ami ?
Seigneur, vous êtes seul constamment fidèle et nul ami n'est comparable à vous.
Oh ! que de sagesse dans ce que disait cette sainte âme: Mon coeur est affermi et fondé en Jésus-Christ ! S'il en était ainsi de moi, je serais moins troublé par la crainte des hommes et moins ému de leurs paroles malignes.
Qui peut prévoir, qui peut détourner tous les maux à venir ? Si ceux qu'on a prévus souvent blessent encore, que sera-ce donc de ceux qui nous frappent inopinément ?
Pourquoi, malheureux que je suis, n'ai-je pas pris de plus sûres précautions pour moi-même ? Pourquoi aussi ai-je eu tant de crédulité pour les autres ?
Mais nous sommes des hommes, et rien autre chose que des hommes fragiles, quoique plusieurs nous croient ou nous appellent des anges.
A qui croirai-je, Seigneur, si ce n'est à vous ? Vous êtes la vérité qui ne trompe point et qu'on ne peut tromper.
Au contraire, tout homme est menteur, faible, inconstant, fragile, surtout dans ses paroles; de sorte qu'on doit à peine croire d'abord ce qui paraît le plus vrai dans ce qu'il dit.
Que vous nous avez sagement avertis de nous défier des hommes; que
l'homme a pour ennemis ceux de sa propre maison, et que si quelqu'un dit:
Le Christ est ici, ou il est là, il ne faut pas le croire.
Une dure expérience m'a éclairé; heureux si elle sert à me rendre moins insensé et plus vigilant !
Soyez discret, me dit quelqu'un, soyez discret; ce que je vous dis n'est que pour vous. Et pendant que je me tais et que je crois la choses secrète, il ne peut lui-même garder le silence qu'il m'a demandé; mais dans l'instant, il me trahit, se trahit lui-même et s'en va.
Eloignez de moi, Seigneur, ces confidences trompeuses; ne permettez pas que je tombe entre les mains de ces hommes indiscrets, ou que je leur ressemble.
Mettez dans ma bouche des paroles invariables et vraies; et que ma langue soit étrangère à tout artifice. Ce que je ne peux souffrir en autrui, je dois m'en préserver avec soin.
Oh ! qu'il est bon, qu'il est nécessaire pour la paix, de se taire sur les autres, de ne pas tout croire indifféremment, ni tout redire sans réflexion, de se découvrir à peu de personnes, de vous chercher toujours pour témoin de son coeur, de ne pas se laisser emporter à tout vent de paroles, mais de désirer que tout en nous et hors de nous s'accomplisse selon qu'il plaît à votre volonté.
Que c'est encore un sûr moyen pour conserver la grâce céleste, de fuir ce qui a de l'éclat aux yeux des hommes, de ne point rechercher ce qui semble attirer leur admiration, mais de travailler ardemment à acquérir ce qui produit la ferveur et corrige la vie !
A combien d'hommes a été funeste une vertu connue et louée trop tôt !
Que de fruits, au contraire, d'autres ont tirés d'une grâce conservée en silence durant cette vie fragile, qui n'est qu'une tentation et une guerre continuelle !